dimanche 28 février 2016

Actualité oblige : notre Expat. se souvient de son voyage en Syrie

Un voyage initiatique ?

Peut-être, ou simplement prendre une pause, se changer les idées, découvrir un chemin vers soi-même, faire une sorte de retraite ou tout simplement découvrir autre chose. Peu importe, mais gageons que notre Expat. ne s'attendait certainement pas au choc qu'il nous décrit ci-dessous.
Vous trouverez le récit de ce voyage en cliquant ci-dessous sur « suite de l'article ».
L’actualité récente sur la Syrie (et le clin d’œil aux Donzyo-syriens), m’a fait relire mes notes de voyage de 2007.

Syrie, 2007.

Je voulais me prendre une pause, et visiter un des nombreux monastères de la région, tous installés dans des endroits sublimes, depuis des temps immémoriaux, et qui continuent cette tradition d'hospitalité envers les voyageurs. Ce devait être Maaloula (plus facile à atteindre par bus), mais avec les conseils et l'aide de Abdallah, patron de mon hôtel de Hama, ce sera Mar Musa; après la visite du Krak des Chevaliers, le taxi m'a aidé pour acheter de la nourriture pour le monastère (toujours bienvenue, vu l'isolement), et m'a déposé au pied du sentier vers 15h30. 
Au pied du sentier, parce que Mar Musa est (très) isolé: à 3 km de la route, et à 20 km de la ville de Naabeck, dans le désert, en direction de Palmyre, et perché en haut d'un mont de quelques centaines de mètres, au creux d'une faille ou coule, au printemps, un torrent. Pas d'accès direct en véhicule: un sentier assez raide, empierré, avec des marches inégales, qui serpente en gagnant de la hauteur; pour les marchandises, un monte-charge constitué d'une benne et de 2 câbles tirés par un treuil.

J'ai donc entamé mon ascension avec mes 15 kg de bagages, les bras encombrés de bouffe, et le tout sous le soleil du désert, à l'heure ou même les lézards font la sieste... Cela m'a pris 30 minutes pour les 500 mètres, 30 minutes qui déjà sont un exercice de méditation sur les efforts nécessaires pour atteindre ses buts.

La récompense est en haut: un panorama à couper le souffle, un silence total ( pas d'oiseaux, ni de moutons ou chiens) seulement troublé par le sifflement du vent et les voix humaines, quand les ouvriers (qui construisent une nouvelle abbaye à deux pas ) s'interpellent; après avoir trouvé la porte- une seule porte d'accès, haute de 1 mètre: il faut se casser en deux (humilité) et elle ne laisse passer qu'une personne à la fois (sécurité), j'ai rencontré Youssouf, qui après m'avoir offert le verre d'eau bienvenu, et demandé si je voulais manger (en anglais) m'a demandé si je voulais dormir au monastère; sur ma réponse affirmative, il m'a guidé vers ma chambre, simple 

construction de pierre avec fenêtre ouvrant directement sur le désert, un matelas de mousse, des draps propres, une couverture au-cas-ou (les nuits sont fraîches), m'a montré les douches (avec eau chaude solaire..) les toilettes, et m'a laissé tout seul ..Là le silence est tombé, et le calme, la sérénité du lieu m'ont envahi; c'est un lieu hors du temps, une bulle de paix et de beauté.

La tradition de la religion syriaque, c'est la contemplation, le travail manuel, et l'hospitalité; pour les hôtes (comme moi et la dizaine d’autres), fort peu de règles: le respect des autres, une tenue décente, et une obligation de participer à la préparation des repas qui sont pris en commun; libre à vous d'aider un peu plus (vaisselle, épluchage de légumes, lessives etc). 

La vie spirituelle consiste en 2 blocs horaires, de 7h30 à 9h15, prière et catéchèse (en arabe!); méditation en silence, de 19h30 à 20h30, avec messe ensuite. Aucune obligation de participation, mais alors pourquoi venir dans un monastère!!!

Les repas : petit déjeuner à 9h15, déjeuner à 14h15, souper à 21h15. Et une journée qui se passe, ou plutôt qui s'écoule, lentement, sereinement, au rythme du soleil... 
J'ai rencontré le père Paolo juste avant la messe...Un colosse de 52 ans, italien d'origine, et qui, depuis 30 ans, relève le monastère de ses ruines, et le transforme en un lieu œcuménique, dédié en particulier au rapprochement avec les musulmans. Une présence extraordinaire, une bonté et une gentillesse palpables, bref un personnage coloré, très connu en Syrie, et si facile d'approche (il parle en plus de l'arabe et de l'italien, le français, l'anglais, l'allemand...) 

La messe fut aussi toute une expérience; à la bédouine, c'est à dire assis par terre sur des coussins, ou accoudés sur des piliers, je n'ai vu là que l'expression d'une foi simple, et d'un rite à échelle humaine, célébré de façon intense, mais sans les rites mécaniques si communs à d'autres religions; Père Paolo interrompait s’interrompait souvent, pour expliquer un passage de texte à ses visiteurs, pour faire venir un enfant à côté de lui, pour faire une plaisanterie, voire même pour bailler! Bref, rien de mystérieux, mais vraiment un sens de la communauté, de la communion, de la dimension humaine de la religion; surtout des textes, et des chants, sans aucun accompagnement de quelque instrument que ce soit, ni gymnastique du style assis-debout-à genoux, et une communion collective au pain et au vin, comme les premiers chrétiens. Tout cela dans une église minuscule, dont les fondations remontent au 6ème siècle, avec des fresques magnifiques qui, elles, datent du 11ème et 13ème siècle....ça aussi, ça se ressent... 
Même non croyant, non pratiquant, on se sent part de la cérémonie...

Souper ensuite sur la terrasse, sous les étoiles, sur des tabourets avec des tables basses; pas d'assiette, du Pita pour chacun, du thé, et des légumes, fromages frais du monastère, et des confitures de figues ou de coings, amplement assez avec les pains à la viande que j'avais apportés. 
Après le souper, départ à la lueur de la lampe de poche direction l'hostellerie, ou la nuit, et les suivantes, fut calme, bercé par le sifflement du vent, fenêtre ouverte sur le désert...

J'ai assisté à toutes les cérémonies, méditation, prières, etc, pendant 6 jours. Et le 
dernier jour, constatant le nombre élevé de visiteurs, on m'a informé qu'une postulante entrait en noviciat ce soir-là; j'ai donc assisté à une autre cérémonie, très touchante elle aussi, l'entrée sous les ordres de Diane, jeune française de Normandie... 

Ce fut fête aussi pour le souper; du vin (libanais), et des desserts, gâteaux, chocolats...

Adieux au Père Paolo et à Youssouf, son assistant, empreint de gratitude et d'émotion. Je profitais d'un lift le lendemain matin à 4h30 du matin (et redescendre les 500 m de sentier avec les bagages à la lueur de lampe torche, belle expérience, là aussi!) 

Et j'arrivai à Damas à 6h30 du matin, le premier vendredi du ramadan...

Mise à jour : le père Paolo Dall’ Oglio est porté disparu depuis novembre 2013, alors qu’il était parti négocier la libération d’otages auprès de ce qui ne s’appelait pas encore l’état islamiste..

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